Refaire surface, collections archéologiques des musées de Châlons-en-Champagne
Encensée à la fin du XIXe et au début du XXe siècle par les conservateurs successifs du musée municipal au gré des diverses acquisitions, l’archéologie s’insère progressivement au coeur des salles permanentes du musée jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Celle-ci remet en question leur présentation, qui n’est renouvelée qu’en 1987, lorsque Jean-Pierre Ravaux crée, au 1er étage du musée, une nouvelle salle d’archéologie où les collections sont présentées chronologiquement. Depuis 2004 et le transfert définitif des collections en réserve, plus aucune salle permanente n’est dédiée aux fonds archéologiques du musée. Pourtant le nom du musée des Beaux-arts et d’Archéologie garde mémoire de cette mission qu’il a toujours à coeur de mener.
Cette exposition vise à poser un regard renouvelé sur les collections archéologiques des musées de Châlons-en-Champagne, en interrogeant leurs contextes de fouille et d’acquisition, ainsi que les modalités de leur présentation aux publics. Elle permet de suivre pas à pas la constitution historique des collections archéologiques au sein des musées de Châlons-en-Champagne, en proposant des inserts biographiques mettant en lumière des acteurs phares de ces découvertes, ainsi que leurs contextes pluriels dès la fin du XIXe siècle jusqu’au XXe siècle. Elle propose ainsi de redécouvrir des fonds châlonnais, à la fois classiques et exceptionnels, et des parcours et des regards d’archéologues à travers le temps.
Elle s’organise en trois temps : la constitution des fonds dès la fin du XIXe siècle, les donations d’exception aux abords des conflits mondiaux, et la réhabilitation des musées
présentant des collections archéologiques à Châlons après la Seconde Guerre mondiale.
Le prisme du legs de Charles Picot et des contributions de la SACSAM, dans la lignée de la constitution des grandes collections archéologiques aux origines nationales et internationales acquises au Second Empire, permet d’introduire la notion d’antiquité et la naissance de la discipline archéologique à la fin du XIXe siècle à Châlons-en-Champagne. C’est également en 1888 que Mme Garinet cède à la ville la maison où son défunt mari, Jules Garinet, avait accumulé et exposé ses collections, dont certaines antiques. Cet engouement relatif, entre 1860 et 1893, engendre des dons locaux, souvent décontextualisés, issus de découvertes fortuites, de fouilles sauvages ou de travaux d’aménagement, ainsi que la première exposition des fonds archéologiques provenant notamment des sites de La Cheppe (camp d’Attila), ou de l’Église Saint Loup. La circulaire de 1838 du ministère de l’Intérieur, première réglementation juridique portant sur les fouilles archéologiques en France, est au coeur des préoccupations comme des balbutiements administratifs et méthodiques liés à la pratique de l’archéologie.
Les collections des musées de Châlons-en-Champagne sont ensuite marquées par les conflits mondiaux. Les conservateurs du musée municipal, Octave Beuve de 1911 à 1920, puis Henri Vendel de 1921 à 1945, s’attachent à y revaloriser les collections archéologiques notamment grâce aux travaux d’Émile Schmit, conservateur adjoint, ainsi que ceux d’Edouard Baffet, Léon Bérard et René Lemoine. Les collections archéologiques phares intègrent ainsi les fonds du musée des Beaux-arts et d’Archéologie, autour de sites emblématiques. La collection d’archéologie celte du musée de Châlons devient une des plus importantes en France. Relations de confiance comme inimitiés s’installent au coeur de la constitution de ces fonds personnels, créant des tensions palpables dans les archives de ces passionnés. Les modalités de collecte sont multiples, et se font au gré des pratiques individuelles propres à chacun. La Seconde Guerre mondiale marque à la fois un frein aux fouilles de gré à gré entre fouilleurs et propriétaires de terrains, mais également l’errement de la collection archéologique du musée à Châlons. Confinée au château d’Echuilly (Maine-et-Loire) puis réintégrée au musée après la Libération, elle est laissée en déshérence malgré les divers projets muséographiques proposés par la direction du musée.
La seconde partie du XXe siècle marque un dernier tournant dans la pratique archéologique marnaise et sa diffusion au grand public à Châlons-en-Champagne. La campagne de fouilles menée par Léon et Sylvia Pressouyre au Cloître de Notre- Dame-en-Vaux de 1963 à 1976 insère la discipline au sein même du milieu urbain : ils y révèlent les traces du cloitre médiéval comme des maisons canoniales du XVIIIe siècle, et les présentent dans le musée adjacent, créé en 1978. D’autres suivront comme sur les fouilles du quartier Saint Dominique ou bien de l’Église de Melette. À l’arrivée de Jean-Pierre Ravaux à la tête des musées municipaux en 1970, les collections archéologiques au musée des Beaux-arts et d’archéologie manquent de visibilité comme de socle scientifique. Reprenant les inventaires laissés pour compte, il repense intégralement une nouvelle salle d’archéologie au premier étage du musée au sein de vitrines neuves, avec un regard purement chronologique. Acquise en 1989, la collection de Germaine Perrin de la Boullaye est une des rares dernières à venir documenter de façon approfondie un travail de collecte mené au début du XXe siècle, et interroge la notion d’enregistrement, de fouille et de méthodologie en archéologie.
Cette exposition est conçue telle une plongée au coeur des pratiques archéologiques, décortiquées à l’aune de la constitution des collections des musées de Châlons‑en‑Champagne. Elle convoque des partenariats avec le Service Régional de l’Archéologie du Grand-Est, commissaire scientifique à nos côtés, ainsi qu’avec les Archives départementales de la Marne, l’INRAP, et le musée du vin de Champagne
et d’Archéologie d’Épernay. Des prêts d’archives (carnets de fouilles, notes, dessins d’objets, planches de publications, …), adjointes à celles de la médiathèque municipale Pompidou, viennent compléter nos collections, redonnant corps au fruit du travail des archéologues et collectionneurs marnais ayant contribué à la constitution des fonds des musées châlonnais.
Une saison automne-hiver 2024-2025 qui s’affiche aux couleurs de l’archéologie marnaise, relayées à la fois par le musée Saint-Rémi de Reims avec l’exposition « Le monde de Clovis » et par le musée du vin de Champagne et d’Archéologie d’Épernay, qui agrémente dès la fin de l’année son parcours permanent. À cette occasion, un partenariat tarifaire est prévu pour permettre l’accès à tarif réduit à l’une de ces trois institutions dès l’achat d’un billet tarif plein pour l’un de ces évènements.